lundi 30 septembre 2013

Un département d’innovations – Partie 1






DARPA (Defense Advance Research Project Agency) est une des agences américaines du Pentagone, dont l’unique mission est l’innovation.

Durant les 50 dernières années, les innovations de DARPA se comptent par centaines.
Les plus importantes sont :[i]
  • Les GPS (Global Positioning Satellites) que l’on retrouve maintenant dans presque toutes les voitures, téléphones intelligents, certaines montres et tablettes;
  • Les drones, ces véhicules volants sans humain à bord ;
  • La technologie furtive, utilisée dans les avions de défense américaine ;
  • La chirurgie télérobotique, qui permet à un chirurgien d'opérer un patient situé à un autre endroit ;
  • L’internet : Originalement appelé ARPANET, il fut inventé en 1969 et avait été conçu pour permettre la communication entre différentes équipes de projets travaillants sur des systèmes informatiques incompatibles (photo d’archive de DARPA).[ii]

Plusieurs industries sont nées des innovations de DARPA, générant des milliards de dollars.
DARPA est un vrai département d’innovation!

Un tel bilan laisse penser que DARPA est une immense organisation. Et pourtant, non !  DARPA n’est composée que :

  • D'une centaine de gestionnaires de programmes techniques
  • D'approximativement 120 employés de soutiens (RH, finance, sécurité et légal)
  • D'un mixte de contractuels hyper performants.[iii]


Admettez que ce modèle a de quoi rendre jalouses la plupart des organisations capitalistes! Pourtant, pratiquement aucune autre organisation n’a réussi à imiter ce modèle, de façon durable.

Pourquoi ?
Simplement parce que le modèle de DARPA est particulièrement difficile à reproduire dans un marché concurrentiel.

Les auteurs de l’article «Special Forces Innovation : How DARPA Attacks Problems»[iv] disent avoir décodé le modèle DARPA et réussi à l’appliquer.  Pour ce faire, ils ont décomposé ce modèle en trois éléments :
  1. Buts ambitieux – Doivent être très complexes afin d’attirer les meilleures ressources.
  2. Équipes de projets temporaires – Chefs de projets internes à l’organisation, mais pas les ressources, car il serait impensable de garder autant d’experts/scientifiques en permanence.
  3. Indépendance – Afin d’être rapide et agile, il faut avoir le plein contrôle sur la façon d’opérer.

L’article ne donne toutefois que peu de détails sur la spécificité du comportement organisationnel de DARPA. Je crois qu’il est essentiel de comprendre la nature et la situation actuelle, du comportement organisationnel, afin de reproduire le modèle.

Je vous proposerai la semaine prochaine, dans la deuxième partie de mon article, une brève analyse desdits comportements organisationnels chez DARPA, basé sur l’ouvrage «Comportement Organisationnel – Comportements humains et organisations dans un environnement complexe»[v].

En attendant ma réponse, je vous pose la question.  Quels comportements organisationnels croyez-vous que DARPA adopte ?




[i] Michael P Belfiore, The Department of Mad Scientists: How DARPA Is Remaking Our World, from the Internet to Artificial Limbs (New York: Harper, 2010).
[ii] Ibid.
[iii] Regina E. Dugan and Kaigham J. Gabriel, “‘Special Forces’ Innovation: How DARPA Attacks Problems,” HBR - The Magazine, October 2013.
[iv] Ibid.
[v] Charles Benabou, Steven McShane, and Sandra L. Steen,Comportement organisationnel : Comportements humains et organisations dans un environnement complexe, 2e édition (Canada: Chenelière, 2013).

jeudi 19 septembre 2013

Garapagosu-ka



"Garapagosu-ka" est un terme japonais qui signifie « Syndrome des Galapagos ». Ce terme est inspiré des observations de Charles Darwin sur la théorie de l’évolution, pendant son expédition de 1831 à 1836 dans les Îles Galapagos.[i]
En technologie, une organisation agit selon le "Garapagosu-ka" lorsqu'elle décide d’innover en vase clos, c’est-à-dire qu’elle continue de faire évoluer ses produits en choisissant de rester incompatible avec l’écosystème de la concurrence.
Citons simplement le cas des cartes mémoire pour les appareils photo numériques.  En 1999, un consortium de manufacturiers (Panasonic, Toshiba et SacnDisk) a annoncé la mise en marché des cartes mémoire SD. Les compagnies d’appareils photo numériques ont rapidement adopté cette technologie, si bien qu'en 2006, Sony était le dernier grand fabricant d’appareils photo numériques à conserver sa propre carte mémoire "Memory Stick".[ii]
Sony avait longtemps été le précurseur des innovations dans le domaine des gadgets électroniques. Les produits Sony étaient toujours le résultat de leur propre conception technologique, suivant des standards très élevés. Ils étaient très fiers de ce statut. Pourtant, en mars 2009, le groupe Sony annonça sa première perte d’opération depuis 14 ans…  Pourquoi? Parce qu’en ne s’adaptant pas à la concurrence, Sony s’était éloigné des besoins de la majorité des consommateurs, dont ceux des pays émergents.  Les consommateurs ont donc relégué la qualité supérieure pour s’intéresser aux beaux, bons, pas chers, et Sony fut victime du « Garapagosu-ka ».[iii]
De nos jours, le premier exemple qui vient en tête lorsqu’on parle d’innovation en vase clos est certainement Apple. C’est pourquoi je vous pose la question suivante : croyez-vous qu’Apple sera la prochaine victime du Syndrome des Galapagos?

Il est certes difficile de le prédire, car la profitabilité d’Apple est encore très importante. Pourtant, comme le démontrent les deux graphiques suivants, les parts de marché des produits phares d’Apple (les iPhone et iPad) sont à la baisse.  Cette baisse s’est amorcée depuis un an, à la suite de l’explosion des appareils fonctionnant sous Android (le système d’exploitation pour appareil mobile de Google) qui répondent parfaitement aux besoins des marchés émergents...  Les beaux, bons, pas chers feront-ils mentir Steve Jobs lorsqu’il affirmait que devant deux produits semblables, les consommateurs choisiront toujours le plus performant et non le moins cher?[iv]


L'innovation en vase clos est souvent plus dangereuse que profitable pour la pérennité des technologies, malgré tout, il y a des compagnies qui réussissent à relever ce défi.  La question qui reste à découvrir est : pour combien de temps?




[i] F.D. Steinheimer, Charles Darwin’s Bird Collection and Ornithological Knowledge During the Voyage of H.M.S. Beagle, 1831–1836, Journal of Ornithology 145(4), 2004.
[ii] “History of Digital Photography – Consumer Digital Cameras,” accessed September 14, 2013, http://www.digital-photography-tips.net/history-of-digital-photography-consumer-digitals.html.
[iii] Marcus Schuetz, Atsushi Sumi, and Claudia H. L. Woo, “Is Sony Turning Around?,” accessed September 14, 2013, http://hbr.org/product/is-sony-turning-around/an/HKU954-PDF-ENG.
[iv] Walter Isaacson, Steve Jobs (New York: Simon & Schuster, 2011).