mardi 24 décembre 2013

Objectif, innovation!

La fin de l'année arrive à grands pas et, si vous êtes un gestionnaire, vous vous êtes sans doute fait une idée depuis quelques semaines de ce que seront les objectifs de l'année 2014, pour vous, pour l'ensemble de votre équipe et pour chacune de vos ressources.
L’élaboration des objectifs est la première étape dans l’évaluation de la performance des employés, une pratique très répandue en Amérique du Nord[1]. Pourquoi est-ce si populaire ?  Parce que si le processus d’évaluation est bien fait, il permet de donner un portrait clair des tâches qu’un individu, ou qu’un groupe, doit accomplir, il permet de donner une direction sur la façon de s’y prendre et il permet de suivre la progression vers l’atteinte des objectifs. Le résultat de l’évaluation de la performance, stimulée par de bons objectifs, amènera alors une augmentation de la performance des employés et donc, une augmentation des bénéfices pour l’organisation. C’est en effet ce qu’ont démontré les deux plus éminents professeurs en recherche sur la quantification des objectifs, Edwin A. Locke et Gary P. Latham, dans l’article qu’ils ont publié au début des années 2000 et qui résume leurs 35 années de recherche dans ce domaine[2]. Voici leurs principales conclusions :
  • Émettre des objectifs spécifiques et difficiles amène constamment de meilleures performances comparativement aux objectifs qui demandent aux employés de « faire de leur mieux ».
  • Les objectifs sont énergisants. Des objectifs ambitieux génèrent plus d’efforts que d’autres objectifs moins ambitieux, et ce sont toujours les objectifs les plus difficiles à atteindre qui amènent les plus hauts niveaux d’efforts et de performances.
  • Des échéanciers plus courts accentuent la cadence de travail contrairement aux échéanciers plus longs.
  • Rendre les objectifs publics améliore l’engagement des ressources aux objectifs.
  • Que ce soit l’employé lui-même ou son patron qui détermine les objectifs n’a pas d’influence sur l’atteinte des objectifs.

Donc, la première étape, est de faire de bons objectifs, en vous assurant qu’ils sont simples, efficaces et quantifiables (ou mesurables).
Les objectifs peuvent provenir de plusieurs sources, par exemple la vision ou la mission de l’organisation, les objectifs d’un département, la description de poste d’un employé, les étapes subséquentes d’un précédent objectif, etc.[3].  Mais, peu importe leur source, le plus important est de se doter d’objectifs qui auront le plus grand impact positif possible pour votre organisation.
Une technique intéressante à cet effet est l’utilisation de la grille des objectifs[4] développée par Fred Nickols, qui pose quatre questions bien simples :
  • Qu’est-ce que vous voulez que vous n’avez pas ? (Achieve)
  • Qu’est-ce que vous voulez que vous avez déjà ? (Preserve)
  • Qu’est-ce que vous n'avez pas et que vous ne voulez pas ? (Avoid)
  • Qu’est-ce que vous avez que vous ne voulez pas ? (Eliminate)

La réponse à ces questions vous donnera une idée plus précise de ce que seront vos prochains objectifs. Pour plus de détails sur comment mettre de bons objectifs en place, je vous recommande la lecture des ouvrages « How to be good at performance appraisals » et « Giving effective feedback ».
Si, comme moi, vous êtes passionné d’innovation et que vous désirez développer une culture d’innovation dans votre organisation, il est important que ceci transpire dans les objectifs que vous attribuerez à vos ressources. Tout d’abord, selon la grille des objectifs de Nickols, ce type d’objectifs se situe normalement dans le quadrant « Achieve », puisque l’innovation correspond à ce que nous voulons et que nous n’avons pas. Ensuite, il importe de bâtir nos objectifs intelligemment, c’est-à-dire en prenant garde aux pièges inhérents des objectifs de l’innovation. Voici ce qu’il faut éviter :
En premier lieu, il faut se rappeler qu’on n’innove pas si on connait déjà la réponse ! Puisque l’innovation prend naissance dans les nouvelles idées, un objectif pour promouvoir l’innovation ne devrait pas dire exactement comment le changement devrait se faire. Il faut plutôt bâtir un objectif autour de ce qui devrait être amélioré.
Deuxièmement, un objectif d’innovation ne devrait pas restreindre les individus dans leurs pensées, car pour innover il faut avoir la possibilité d’explorer plusieurs alternatives.
En troisième lieu, un des pièges propre à l’innovation est de ne pas savoir quand arrêter de chercher. C’est pour cette raison que si vous mettez en place des objectifs d’innovations, il faut quand même fixer des échéanciers agressifs. Ceci aura simplement comme effet d’aider à avancer plus rapidement dans le processus d'innovation, plutôt que de se buter à une étape où toutes les parties impliquées ne seraient pas en accord. N’oubliez pas que l’innovation fait rarement l’unanimité !
Et maintenant que vous avez votre recette, il ne vous reste plus qu’à énoncer vos objectifs, les inculquer à vos ressources et surtout, à faire un bon suivi avec eux !  Bon coaching et n’hésitez pas à me répondre, si vous avez des exemples d’objectifs qui font la promotion de l’innovation, je serai heureux de lire vos exemples !
Sur ce, je vous souhaite un joyeux temps des Fêtes et un bon début d’année 2014 !


[1] Cynthia Morrison Phoel et al., Guide to Giving Effective Feedback, HBR Onpoint Collection (United Sates: Harvard Business Review, 2011), http://hbr.org/product/guide-to-giving-effective-feedback/an/10667-PDF-ENG.
[2] Edwin A. Locke and Gary P. Latham, Building a Practically Useful Theory of Goal Setting and Task Motivation: A 35-Years Odyssey, American Psychologist 57, no. 9, American Psychologist (2002): 705717.
[3] Richard C. Grote, How to Be Good at Performance Appraisals: Simple, Effective, Done Right (Boston, Mass: Harvard Business Review Press, 2011).
[4] Fred Nickols and Ray Ledgerwood, The Goals Grid: A Tool for Clarifying Goals and Objectives (Fred Nickols, 2005), http://www.nickols.us/strategic_planning_tool.pdf

mardi 10 décembre 2013

Innovation de "Retour vers le futur"!

Pour les cinéphiles, la mention de « Retour vers le futur » vous rappellera cette merveilleuse trilogie de science-fiction américaine réalisée par Robert Zemeckis, sortie en 1985, 1989 et 1990.  Évidemment, la première chose qui vous reviendra en tête est la machine à voyager dans le temps, construite par le Docteur Emmett Brown (Doc), à partir d’une DeLorean DMC-12 modifiée.

Dans le deuxième volet de cette trilogie, Marty McFly, le héros du film, doit se rendre dans le futur avec Doc pour sauver sa descendance.  Arrivée dans le futur, la voiture se retrouve dans un flot de circulation de voiture volante et après quelques pirouettes, Doc active le pilote automatique.

Tout ceci semble bien loin de notre réalité actuelle… Pourtant, le futur n’est peut-être pas si loin!

Eh bien oui! Après Google, qui a fait des tests de voiture avec système de conduite automatique tout récemment, voilà que le constructeur scandinave Volvo, à la suite de son association avec le projet européen SARTRE en 2009, annonce une application possible d’ici 2017. Une centaine de ces voitures seraient mises en circulation dès lors.[i]

Le projet européen SARTRE (Social Attitudes to Road Traffic Risk in Europe), coordonné en France par l’INRETS, a débuté en 1990 et avait pour mission d’étudier les attitudes et comportements collectifs des automobilistes face au risque routier. Ses objectifs ont évolué et ce collectif s’intéresse aujourd’hui à cette problématique de voiture autonome.[ii]

Cette innovation sera assurément le prochain boom dans l’industrie automobile mondiale, puisque ce sera une innovation qui révolutionnera nos habitudes de conduite et qui surtout améliorera grandement notre qualité de vie.

Pouvez-vous vous imaginer de faire le trajet de votre domicile au bureau en vous amusant sur votre tablette électronique ou en travaillant avec votre ordinateur portatif sur vos genoux, dans le confort de votre propre véhicule?

Je ne sais pas pour vous, mais moi, je suis partant!  Pour terminer, comme le disait si bien Doc : «Faut voir grand dans la vie, quitte à voyager à travers le temps au volant d’une voiture, autant en choisir une qui ait d’la gueule!»




[i] Jean-Pierre Corniou, “Après les tests de Google, ceux de Volvo : la voiture sans conducteur, c’est pour quand ?,” Atlantico.fr, December 9, 2013, http://www.atlantico.fr/decryptage/apres-tests-google-ceux-volvo-voiture-sans-conducteur-c-est-pour-quand-jean-pierre-corniou-920642.html.
[ii] Benoit Solivelias, “Volvo : Des Voitures Automatiques D’ici 10 Ans,” CNET France, October 22, 2009, http://www.cnetfrance.fr/cartech/voiture-automatique-projet-sartre-volvo-39710077.htm.

samedi 30 novembre 2013

Cognizant et l'innovation

Lors de mon dernier article de blogue sur l’innovation, je vous expliquais quel était pour moi le levier de l’innovation.  Je vous mentionnais aussi que dans cet article, j’allais démystifier le processus d’innovation de la compagnie Cognizant [i].  Le voici donc!

Tout d’abord, une entrée en matière sur Cognizant :

Cognizant est une multinationale en technologie de l’information qui a été créée comme une division du groupe Dun & Bradstreet en 1994.  À cette époque, son siège social était à Chennai en Inde.  Sa mission est d’offrir des services en consultation (spécialisée en processus d’affaires) qui aident les organisations à s’immerger dans l’innovation et à toujours se dépasser.

En 1996 et 1997, elle connut une croissance et commença à servir des clients externes et par la suite, déménagea son siège social à Teaneck au New Jersey (États-Unis).  Elle est devenue autonome en 1998.  Dans les années 2000, elle a connu un essor fulgurant!  Cognizant fait maintenant partie du NASDAQ-100 ainsi que du S&P (Standard and Poor’s) 500 [ii]. C’est d’ailleurs la première compagnie de service issue de l’Inde à être listé sur le marché boursier Nasdaq.  En 2011, elle fut listée dans la prestigieuse « Fortune 500 »[iii] et ne cesse de grimper au classement depuis.

Cognizant et l’innovation :

Comme je le mentionnais dans mon article de blogue « L’innovation n’est pas qu’une simple invention »[iv], l’innovation va plus loin que la simple idée!  C’est aussi la vision qu’a Cognizant avec l’innovation [v].  Puisque la connaissance absolue n’existe pas, nous nous devons de continuellement innover et pour Cognizant, ce sont les gens qui créent de la valeur ajoutée en implémentant de nouvelles idées.  Ceci se traduit aussi par la formule suivante (voir figure 1).
Figure 1

En d’autres termes, l’innovation est le passage d’une vision abstraite à un état concret.  Mais quel est le processus que Cognizant privilégie pour ce passage? 
Ils le font par trois phases très simples (voir figure 2) ! :
  1. Définir le besoin d’innovation – C’est la phase abstraite, où l’on détermine les modèles (patterns). C’est la phase de la stratégie qui analyse l’organisation, qui détermine les défis d’innovation et qui instaure les critères de sélection.
  2. Gérer les idées – Cette phase est composée de trois sous-sections.
    • La capture des idées, stimulées par des campagnes de discussion par des groupes ou toutes autres méthodes.
    • L’évaluation des idées recueillies en les catégorisant par priorité, gain potentiel, complexité, etc.  C’est ici que l’on recherche l’éclair de génie (insight) !
    • Bâtir une courte liste des meilleures idées, proposer celle qui possède le meilleur Business Case et déterminer les prochaines étapes.
  3. L’exécution – La phase de transformation de l’abstrait en concret, c’est l’instanciation et l’implémentation. Elle est composée de deux sous-sections.
    • L’exécution de la preuve de concept et la collecte des commentaires des usagers de la veille. 
    • L’implémentation de l’innovation selon la méthodologie de projet appropriée.
Figure 2

Fort simple en effet!  Pourtant, changer une organisation pour mettre en place une culture d’innovation et la promouvoir n’est pas une mince tâche.


C’est pour cette raison que Cognizant encourage constamment l’innovation à l’interne de son organisation et que l’organisation a mis en place un programme baptisé « Innovation Capability Building Program »[vi]. Ce programme sert de formation à la logique abductive, en guidant les ressources à structurer leurs pensées dans la recherche d’un problème et, au final, « voir » l’ensemble du problème (to see the big picture).

Le programme, basé sur la collaboration, amène les participants dans cet état d’esprit par différentes méthodes de raisonnements.  L’une de ces méthodes, que je ne connaissais pas, est celle des « Six Thinking Hats »[vii].  Cette méthode permet aux participants de comprendre leur mode de raisonnement naturel et ensuite d’avoir la capacité de changer de mode de raisonnement selon les besoins.  Cette théorie, selon Cognizant, est très efficace pour augmenter la productivité dans les discussions de groupe, puisque si les participants portent tous le même chapeau, la productivité augmentera!
  • Chapeau blanc : Pour se concentrer sur les faits, on discute seulement des informations connues et nécessaires.
  • Chapeau vert : Pour des réflexions sur la créativité, les nouvelles idées ou les alternatives.  Une occasion d’exprimer de nouveaux concepts ou perceptions.
  • Chapeau jaune : Lorsque nous avons besoin de positivisme et d’optimisme dans les discussions.
  • Chapeau bleu : Pour la gestion d’une réflexion structurée.
  • Chapeau noir : Signifie qu’il faut porter une attention particulière à la gravité d’une situation ou d’un évènement (il ne faut pas trop utiliser ce chapeau).
  • Chapeau rouge : Pour des réflexions sur nos émotions, nos intuitions, sans nécessairement avoir d’explications logiques.

La rapide ascension et les succès de Cognizant sont, selon moi, directement reliés aux efforts d’une culture d’organisation basée sur la logique abductive et d'une recherche continuelle en innovation.  Alors, si vous voulez que votre organisation se retrouve dans le « Fortune 500 », je vous encourage à en faire de même!

Qu’en pensez-vous?




[i] “Cognizant - About Cognizant,” Cognizant, 2013, http://www.cognizant.com/about-cognizant.
[ii] John Bilardello, “Standard & Poor’s,” Standard & Poor’s, 2013, http://www.standardandpoors.com/home/en/us.
[iii] “Fortune 500 2013: Annual Ranking of America’s Largest Corporations from Fortune Magazine,” CNNMoney, accessed November 30, 2013, http://money.cnn.com/magazines/fortune/fortune500/.
[iv] Simon-Pierre Marion, “L’innovation n’est pas qu’une simple invention !,” L’innovation, August 31, 2013, http://simonpierremarion.blogspot.ca/2013/08/linnovation-nest-pas-quune-simple.html.
[v] Robert G. Eccles, David Lane, and Prabakar Pk Kothandaraman, Cognizant Technology Solutions, Case (Field) (Harvard Business School, January 2008), http://hbr.org/product/cognizant-technology-solutions/an/408099-PDF-ENG.
[vi] Kumar Sachidanandam, “How Cognizant Drives Innovation Bottom Up,” Management Next, January 2012, http://managementnext.com/magazine/how-cognizant-drives-innovation-bottom-up/.
[vii] Edward De Bono, Six Thinking Hats, 1st Back Bay pbk. ed., rev. and updated (Boston: Back Bay Books, 1999).

mardi 12 novembre 2013

Le levier de l’innovation

Dans son ouvrage, "Innovate Or Die: Outside the Square Business Thinking" [i] Jack Collis explique que sans l’innovation, les organisations seront appelées à mourir.   Rien de surprenant, puisque l’innovation est considérée, de nos jours, comme un levier important à l’économie.

Mais si l’innovation sert de levier à l’économie, quel est celui de l’innovation?

M. Albert Lejeune, Ph.D., dans l’énoncé de sa recherche sur la soutenabilité [ii], nous donne une piste de solution en posant cette autre question : « Comment la logique abductive, celle qui devrait mener à l’innovation, émerge-t-elle au sein d’un groupe d’individus qui cherchent à introduire la soutenabilité dans un modèle d’affaires? »

Prenons un léger recul, pour bien comprendre ce qu’est la logique « abductive ».  L’abduction est un mode de raisonnement utilisé dans le processus de découverte par « sérendipité » (faite de façon inattendue, car faite accidentellement, à la suite  d’un concours de circonstances).  C’est la troisième dimension des formes de raisonnement, qui complète celles de la déduction et de l’induction.
Ainsi, la logique abductive consiste à émettre des hypothèses (idées) à partir d’observations réalisées sur le terrain. Au départ, celles-ci sont dénuées de fondement scientifique, mais elles seront justifiées par les étapes ultérieures de la démarche logique.  C’est alors que se produit ce que Bernard Lonergan appelle l’insight : "L'insight est le trait de lumière, le « déclic », en termes plus techniques, la saisie, la découverte d'une intelligibilité. Par lui, on découvre une explication, on saisit une unité possible. Il fait passer de l'obscurité à la lumière, du désordre à l'organisation, du tâtonnement à la simplicité de la solution; en d'autres termes, du niveau sensible à une explication d'ordre intelligible." [iii]
 
Le levier de l’innovation commence donc par l’émergence des idées, lesquelles surviennent suite à différentes situations.  Ces idées seront par la suite assemblées (regroupées), comme les indices d’une énigme, jusqu'à l’émergence de l’insight (ou l’éclair de génie).

Voilà la réponse à mon questionnement!  Par contre, ceci ne répond pas à l’interrogation de M. Lejeune...

Sans prétendre connaître la réponse à sa question, peut-être qu’une partie de la solution se retrouve dans le modèle d’innovation qu’a introduit Cognizant (le sujet de mon prochain article)!



[i] Jack Collis, Innovate Or Die: Outside the Square Business Thinking (HarperCollins Publishers Australia, 2007).
[ii] Albert Lejeune, “Soutenabilité - Thèse au DIC,” 2013, http://www.albertlejeune.com/These%20au%20DIC/
[iii] Bernard J. F. Lonergan, Insight: A Study of Human Understanding (Harper & Row, 1978).