samedi 14 février 2015

Les différentes visions de la responsabilité sociétale des entreprises

Pour faire suite à mon texte intitulé « l’innovation, créatrice d’enjeux », j’aimerais prendre le temps d’expliquer la notion de « responsabilité sociétale des entreprises » (RSE).

C’est dans le cadre du cours sur le « Contexte économique et sociopolitique de l’entreprise »[i] du programme de MBA exécutif donné à l’UQAM que j’ai appris que la plupart des grandes entreprises publiaient un rapport de RSE tous les ans! Bien entendu, je savais déjà qu’une entreprise est un acteur de la société (et pas seulement une finalité économique, même si cet aspect est nécessaire pour fonctionner), ce qui lui confère des responsabilités au niveau du développement durable, de l’éthique, du respect des lois et bien d’autres. Ce qui fut une découverte pour moi, c’est que la RSE fait l’objet de recherche et qu’elle a même sa propre norme ISO (26000)!

La RSE a effectivement connu un essor considérable, au fil des dernières décennies, et « vient aujourd’hui bousculer le management des entreprises dans l’ensemble de ses missions, à tous les échelons de son organisation et de façon pérenne, sinon définitive. »[ii] Mais d’où provient la RSE au fait?

La genèse de la RSE débute au 18e siècle. Pasquero (2005) relate l’historique des différents régimes de la RSE en quatre étapes. Premièrement, de 1880 à 1920, le régime de marché qui vise à contrer les prix abusifs en instaurant des lois antitrust. En second lieu, dans les années 1930, apparait le modèle associatif dont le but est d’encadrer l’économie par des autoréglementations sectorielles. C’est aussi à cette période, plus spécifiquement en 1953, que la première définition inclusive du concept de la RSE fait son apparition, dans le livre de Bowen, Social Responsibilities of the Businessman. En troisième lieu arrive le régime sociétal, de 1960 à 1980, lequel oblige l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et des travailleurs, avec l’aide d’agences de règlementation. Finalement, de 1980 à 2010, on voit l’apparition du régime d’efficacité, qui « consista surtout à dérèglementer les activités des entreprises et à favoriser un certain retour à la liberté du marché. En relâchant l’emprise de l’État, ce régime eut ainsi pour effet d’élargir le champ de la RSE volontaire des entreprises. »[iii]

Plusieurs définitions se succèdent tout au long de ces différentes périodes, pour finalement en arriver à une représentation plus contemporaine de la RSE. Celle que je retiens, même si je ne la connaissais pas auparavant, est tirée de la norme ISO 26000 : « L’expression responsabilité sociétale désigne la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société; qui prend en compte les attentes des parties prenantes; qui respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement; et qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. »[iv]

La norme ISO 26000 détermine plusieurs grandes composantes de la RSE. On y retrouve  : la gouvernance de l’organisation; les droits de l’homme; les relations et conditions de travail; l’environnement; la loyauté des pratiques; les questions relatives aux consommateurs; et l’implication auprès des communautés et contributions au développement local.

Ce que j’en comprends, c’est que ce concept de la RSE représente le lien entre l’entreprise et son environnement. C’est ici que le concept d’éthique prend tout son sens. Car, comme je le mentionnais précédemment, l’entreprise est un acteur de la société. À ce titre, l’organisation doit mettre l’éthique à l’avant-plan de ses décisions, de manière à agir en toute bonne foi et en connaissance de cause, afin d’éliminer le mauvais jugement et ne garder que le bon, car la loi à elle seule ne suffit pas pour encadrer les actions. Ma compréhension rejoint celle de Pasquero, qui explique que « L’entreprise est un acteur social qui ne peut prospérer que si son comportement est profondément ancré dans les intérêts, mais aussi dans les normes, les valeurs et les idéaux des sociétés où elle est présente. Les concepts d’éthique des affaires, de responsabilité sociale et de gouvernance sociétale sont étroitement imbriqués, car ils incarnent cette nécessité. »[v]

Par conséquent, j’ai aussi compris que le développement durable est la pierre angulaire de l’éthique, car c’est le développement durable qui permet à l’organisation d’être vivable, viable et équitable avec son environnement (l’intégrité écologique), sa rentabilité (le développement économique) de même qu’avec les aspects sociaux (le développement social et humain). Ou simplement, « le développement durable est un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».[vi]

En fin de compte, je comprends mieux l’importance RSE et l’ampleur qu’elle ne cesse de prendre dans les organisations, mais j’ai tout de même une critique concernant l’application de la norme ISO 26000. Quoique bien construite, je trouve qu’elle est très axée sur les grandes entreprises et qu’elle est par surcroit discriminatoire pour les petites et moyennes entreprises.  Pour obtenir la certification ISO 26000, une organisation doit répondre aux questions centrales, et les domaines d’action correspondants. Or, la complexité et les coûts nécessaires pour répondre à toutes les questions centrales la mettent hors de portée pour les petites entreprises et très difficile d’atteinte pour les moyennes entreprises. Si j’avais une proposition à faire, ce serait de permettre aux organisations, de plus petites tailles, d’obtenir une certification selon des critères conçus en fonction de leur capacité, par exemple en fonction de leur revenu net. Ceci aurait comme effet de promouvoir la norme dans ces organisations et pourrait même aider à garder le dynamisme de l’essor de la RSE.

C’est pour cette raison précise qu’il est difficile d’aborder le sujet d’une telle certification dans les petites entreprises. Si ces dernières avaient un levier pour expliquer la possibilité d’avoir une certification adaptée à la taille de leurs organisations, je suis certain qu'il y aurait une plus grande réceptivité de leurs parts!


© 2015 Simon-Pierre Marion tous droits réservés

[i] Ramboarisata, “Contexte économique et socio-politique de l’entreprise - MBA8T21-5 - UQÀM.”
[ii] Pascal Bello, Stratégie et RSE la rupture managériale (Paris: Dunod, 2014).
[iii] Turcotte and Salmon, Responsabilité Sociale et Environnementale de L’entreprise.
[iv] Marie-France Turcotte et al., Comprendre La Responsabilité Sociétale de L’entreprise et Agir Sur Les Bases de La Norme ISO 26000 (Québec: Les Publications de L’IEFP, 2011), 26000.
[v] Jean Pasquero, “Commentaire : Éthique des affaires, responsabilité sociale et gouvernance sociétale : démêler l’écheveau,” Gestion 32, no. 1 (March 1, 2007): 112–16, doi:10.3917/riges.321.0112.
[vi] Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous (Genève: Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1987).

1 commentaire:

  1. Malheureusement, la dictature des actionnaire fait assez vite prendre le bord du fameux RSE. C'est ce qui fait que lorsqu'une compagnie annonce des mise-à-pieds ou de l'outsourcing de jobs aux Indes, l'action monte !! L'actionnaire n'en a rien à cirer de son impact sur la société. Le Capitalisme est malade.

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