
Pour ceux qui ne le
savent pas encore, Heartbleed est un défaut de fonctionnement du logiciel
OpenSSL qui permet à des pirates informatiques d’obtenir des renseignements
personnels sur les internautes auprès de sites web et des serveurs que ces
derniers utilisent. La faille existe
depuis au moins deux ans et ne laisse aucune trace, lorsqu’empruntée. Donc, impossible de savoir si on vous a
dérobé de l’information confidentielle!
Puisque OpenSSL est un logiciel très utilisé, on estime qu’environ les
deux tiers d’internet auraient pu être infiltrés [i]… Ça fait
réfléchir.
C’est pour cette
raison que je m’interroge sur la question de la sécurité des données
électroniques, en particulier dans le cas du Canada, puisque l’Agence du revenu
du Canada ainsi que d’autres secteurs du gouvernement fédéral ont suspendu
leurs services en ligne depuis déjà plusieurs jours.
Pour bien comprendre
mon raisonnement, je dois vous expliquer ce qu’est un SNI. Christopher Freeman (1921-2010) [ii], un
économiste qui a été le fondateur et premier directeur du « Science and
Technology Policy Research » à l’université Sussex fut un des
premiers à définir les SNI, en 1987 comme suit :
« C’est
l’ensemble des institutions dans les secteurs privé et public dont les
activités et interactions démarrent, importent, modifient et diffusent de
nouvelles technologies. »[iii]
Ces interactions se
font généralement par regroupement géographique, soit à l’échelle nationale,
régionale ou métropolitaine. Les pays
les plus industrialisés sont généralement ceux qui prennent pleinement
conscience de leur SNI et les gouvernements les appuient grâce à la mise en
place de programmes pour guider leur évolution vers ce qu’ils estiment avoir un
grand potentiel pour leur développement économique.
C’est un autre
économiste, Bruno Amable, qui, en 1997, tentera un regroupement des SNI en
quatre grands types [iv] :
- Le système marchand (Royaume-Uni, États-Unis, Canada et Australie),
qui se spécialise dans les secteurs de l’aéronautique, de la chimie, de
l’électronique (TIC) et de la pharmaceutique. Le système marchand est aussi
caractérisé par une R-D militaire forte (à quelques exceptions près) et
par des dépenses élevées dans l’enseignement supérieur.
- Le système issu de l’intégration européenne (Allemagne, Belgique,
France, Italie, Pays-Bas, etc.), lequel se spécialise aussi en
aéronautique, chimie et pharmaceutique, mais qui est très faible dans le
secteur des technologies de l’information et des communications (TIC) ainsi
que dans les ressources naturelles.
Ce groupe est cependant très peu cohérent à cause des grandes
variations culturelles et financières entre les pays.
- Le système social-démocrate (Danemark, Finlande, Norvège et Suède),
qui se spécialise dans les secteurs des ressources naturelles, des biens
d’équipement et de transport ainsi que dans les TIC. Le type social-démocrate dépense aussi
beaucoup en éducation supérieure, mais leur système financier est
généralement faible.
- Le système corporatiste (Japon, Corée), qui se spécialise dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique. Les recherches et investissements du système corporatif sont cependant axés vers l’industrie elle-même et non pas vers la science.
Le Canada est issu
du système marchand [v],
mais, contrairement à ses pairs, il n’a pas investi beaucoup, historiquement,
dans le secteur de la sécurité, que ce soit au point de vue du militaire ou de
l’électronique (TIC). Est-ce que ce fut
une erreur? On peut le croire, considérant l’état de la situation actuelle
avec le virus Heartbleed!
À mon avis, notre
système national d’innovation canadien, et en tête de liste le « Conseil national
de recherches Canada »[vi], devra
se réorienter et rediriger une plus forte proportion des investissements en
innovation pour la protection de nos renseignements, car en ce moment, la
situation que nous vivons n’est pas simplement une question de perte de mot de
passe, mais bien de sécurité nationale!
[i] Hugo De Grandpré, “Heartbleed
force la suspension de plusieurs services fédéraux,” La Presse, avril
2014, sec. Affaires, http://www.lapresse.ca/actualites/national/201404/11/01-4756646-heartbleed-force-la-suspension-de-plusieurs-services-federaux.php.
[ii] “Christopher
Freeman,” The Telegraph, September 7, 2010, sec. Politics obituaries,
http://www.telegraph.co.uk/news/obituaries/politics-obituaries/7987544/Christopher-Freeman.html.
[iii] Christopher Freeman,
Technology, Policy, and Economic Performance: Lessons from Japan (London ;
New York: Pinter Publishers, 1987).
[iv] Bruno Amable, Les
Systèmes D’innovation À L’ère de La Globalisation (Paris: Economica,
1997).
[v] Jorge Niosi, Canada’s
National System of Innovation (Montreal ; Ithaca: McGill-Queen’s University
Press, 2000).
[vi] Gouvernement du
Canada Conseil national de recherches Canada, “Conseil national de recherches
Canada,” page d’accueil, August 7, 2012,
http://www.nrc-cnrc.gc.ca/fra/index.html.
Ca tombe bien dans le plan rétrograde des Conservateurs. L'innovation doit passer par l'éducation en premier. Etre proactif, ça c'est réellement innovant.
RépondreEffacerJe suis d’accord, car les compressions budgétaires des dernières années et la restructuration qu’a entamée le gouvernement conservateur avec le CNRC (sans partager le plan d’affaires détaillé avec la population) ne sont actuellement pas un bon présage pour l’avenir de l’innovation au Canada!
Effacer