mercredi 30 juillet 2014

La classification des innovations


La classification des innovations ne fait pas encore l’unanimité dans le monde du marketing des technologies.  Plusieurs auteurs, dont les intérêts portent sur l’innovation, proposent diverses méthodes qui, bien qu’elles se ressemblent, ont toutes, une saveur différente.

Il est pourtant vital pour un département de marketing de bien cibler les types d’innovations, car cette classification permettra de bien planifier et exécuter la mise en marché des innovations.  Ceci représente un aspect stratégique de la plus haute importance pour une organisation!

Votre devoir, en tant que gestionnaire d’innovation, est donc de bien comprendre les différentes méthodes de classification, afin d’en comparer les résultats. J’ai donc énuméré quelques formes de classifications afin de vous aider dans vos recherches :

Une première forme de classification se fait par une matrice entre les habitudes de consommation et la technologie qui subit l’innovation [i].  Dans cette matrice (voir l’image ci-dessous) on classe les innovations dans une des quatre cases, selon leurs nouveautés ou anciennetés :
  • Dans le cas d’une habitude de consommation existante et d’une technologie existante, on parle d’innovations incrémentales c’est-à-dire qui s’inscrivent dans la continuité de l’existant, tant au plan technologique que comportemental. Par exemple, les versions de l’iPhone 4s, 5 et 5c en font partie.  Cette catégorie représente la grande majorité des nouveaux produits commercialisés, même si leur style, leur performance ou la publicité les font percevoir comme novateurs par le marché.
  • Dans le cas d’une habitude de consommation existante et d’une nouvelle technologie, il s’agit alors d’innovations technologiques.  Celles-ci sont fondées sur une nouvelle technologie, mais ne bouleversent pas radicalement les habitudes des clients, par exemple les lecteurs Blu-Ray qui ont remplacé les lecteurs DVD.
  • Dans le cas d’une nouvelle habitude de consommation et d’une technologie existante, il s’agit alors d’innovations comportementales. Ces innovations induisent de nouveaux comportements sans s’appuyer sur une nouvelle technologie, par exemple les premiers yogourts à boire ou les cosmétiques pour hommes.
  • Dans le cas d’une nouvelle habitude de consommation et d’une nouvelle technologie, il s’agit d’innovations de rupture, aussi appelée radicale,  car elles correspondent à des produits totalement nouveaux et qui ont un grand impact sur les produits existants, comme ce fut le cas des premiers téléphones mobiles ou des lecteurs MP3.

Il existe plusieurs autres formes de classification de type matricielle que j’énumère ici sans entrer dans les détails :
  • Il y a par exemple celle qui permet de classer les innovations en se basant sur les technologies et les modèles d’affaire des organisations [ii]. Celle-ci ressemble beaucoup la matrice présentée ci-dessus, où l’on fait la classification par nouveauté et ancienneté.
  • Ou encore, celle qui permet de classifier selon les technologies (innovations incrémentales, innovations d’architecture et innovations radicales) et les types de marchés (clients existants, nouveaux clients sur des marchés définis et marchés émergents) [iii].

Une dernière forme de classification, que j’énumère, se fait par la catégorisation des différents types d’innovations [iv].  Pour cette classification, on positionne l’innovation dans chacune des cinq catégories.  À mon avis, cette méthode est plus souple et permet une compréhension plus large et plus complète de ce qui caractérise les innovations.  Voici les catégories :
  1. Incrémentale versus radicale
    1. Une innovation est incrémentale lorsqu’il s’agit de la continuation de produits, méthodes ou pratiques existantes.  En d’autres termes, ce sont des améliorations mineures.
    2. Elle est radicale lorsqu’il s’agit d’un produit, d’une méthode ou d’une pratique complètement nouveaux.  Ce sont des idées révolutionnaires qui créent de nouveaux marchés.
  2. Produit versus processus
    1. Il s’agit d’une innovation de produit, lorsque nous sommes en présence d’un nouveau produit ou lorsque le produit existant est amélioré, que ce soit au niveau de ses caractéristiques fonctionnelles ou techniques, de l’amélioration de son utilisation ou toute autre dimension.
    2. Il s’agit d’une innovation de processus si celle-ci porte sur l’amélioration des coûts de production d’un produit, ou sur l’amélioration d’une méthode ou d’une pratique pour la rendre plus rapide.
  3. D’architecture versus modulaire (ou un composant)
    1. Une innovation d’architecture est soit l’application d’une nouvelle structure générale inhérente à un système technologique, ou soit un changement fondamental dans l'organisation des différents éléments de la structure du système technologique.
    2. Elle est modulaire, lorsque le changement s’effectue sur une seule composante de la structure d’un système technologique.
  4. De soutien versus perturbatrice
    1. L’innovation vient en soutien lorsqu’elle est faite pour répondre à de nouvelles exigences, de la part des utilisateurs.
    2. L’innovation vient perturber lorsqu’elle est introduite sans que son objectif soit nécessairement de répondre à un besoin existant des utilisateurs.  L’innovation perturbatrice crée souvent de nouveaux marchés.
  5. Organisationnel versus non-organisationnel
    1. Ce sont des innovations qui changent une organisation au niveau de son modèle d’affaires, de ses stratégies, de son marketing, de sa structure ou de toutes autres de ses pratiques.
    2. Pour le non-organisationnel, il s’agit de tout ce qui n’est pas relié à l’organisation!

Peu importe vos préférences ou vos façons de faire, ces formes de classifications des innovations pourront certainement vous aider à mieux interpréter chacune des situations d’innovation que vous aurez à gérer.

Comme je l’indiquais précédemment, je préfère la dernière méthode décrite, puisqu’elle permet une représentation plus large des innovations.  Je crois cependant qu’il y manque une sixième catégorie, soit celle que j’appellerais « unicellulaire versus de symbiose ».
    1. L’innovation unicellulaire représente, pour moi, les innovations qui ne s’apparentent en rien à ce qui existe déjà.  Il s’agit ici de toutes les grandes (ou parfois petites) inventions qui sont faites par hasard ou à la suite à de longues recherches, comme l’électricité ou le téléphone.
    2. Toujours d’après moi, l’innovation de  symbiose représente les innovations qui découlent du mariage entre deux ou plusieurs innovations déjà existantes.  Les téléphones intelligents représentent un bel exemple d’innovation de symbiose, puisqu’ils découlent d’un regroupement de plusieurs technologies (téléphones mobiles, ordinateurs personnels de poche, appareil photo numérique, lecteur de musique digital, etc., tous regroupé dans un seul appareil).

Si vous avez d’autres catégories d’innovation à partager, n’hésitez pas à le faire sur mon blogue!




[i] Emmanuelle Le Nagard and Delphine Manceau, Marketing de l’innovation: de la création au lancement de nouveaux produits (Paris: Dunod, 2011).
[ii] Thomas Loilier and Albéric Tellier, Gestion de l’innovation: comprendre le processus d’innovation pour le piloter (Cormelles-le-Royal: Éd. EMS, Management & société, 2013).
[iii] Wendy K. Smith and Michael L. Tushman, “Managing Strategic Contradictions: A Top Management Model for Managing Innovation Streams,” Organization Science 16, no. 5 (September 2005): 522–36, doi:10.1287/orsc.1050.0134.
[iv] Jakki J. Mohr, Marketing of High-Technology Products and Innovations, 3rd ed (Upper Saddle River, NJ: Prentice Hall, 2010).

2 commentaires:

  1. Bonjour Mr Marion !

    En plein écriture de mémoire, je dois avouer que votre article m'est d'une aide précieuse.
    Pédagogue et accessible, votre article toutefois ne détaille qu'une méthode de classification - son seul point regrettable.
    Afin d'en savoir plus sur les autres modèles de classification que vous mentionnez, j'ai tenté de chercher les ouvrages cités [iii] et [iv]. Impossible toutefois de les trouver: ni en bibliothèque universitaire, ni sur Internet (en consultation libre ou même payante).

    Pourriez-vous m'indiquer comment vous avez réussi à les étudier ?

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  2. ne détaille "que" deux* méthodes de classification (pardon)

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